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Vinifications à Boutenac (Partie 2/2)

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LE TEMPS DE L’EXPLORATION


Si la macération carbonique reste largement dominante dans le terroir de Boutenac, en particulier pour le carignan, beaucoup de vinificateurs cherchent à se démarquer. Les lignes bougent, les choix techniques se diversifient. Tournée des chais...

Alors que leur réputation reste largement fondée, depuis l’origine, sur une forte dominante de vieux carignans vinifiés en macération carbonique, les vins du terroir de Boutenac sont-ils en train de connaître une révolution silencieuse dans l’ombre des chais ? La subtile diversification des styles et donc des nuances d’expression du terroir qu’offrent aujourd’hui les cuvées tend à le faire soupçonner. Par chance, les vignerons ne sont pas avares de confidences sur les expériences qu’ils mènent à peu près tous. C’est le signe du dynamisme d’une appellation qui ne s’endort pas sur ses jeunes lauriers.
Entendons-nous bien : la macération carbonique reste la règle à Boutenac. Au moins pour le carignan. C’est notamment le cas au château de Villemajou, navire amiral de l’armada Gérard Bertrand et fer de lance incontestable de l’appellation.
« Un carignan vinifié en macération carbonique est toujours supérieur » soutient l’œnologue Marc Dubernet qui a eu une influence déterminante à Boutenac. Au château La Voulte-Gasparets, l’un des domaines emblématiques du cru, Patrick Reverdy en témoigne : « J’ai fait ma première cuve de carignan en macération carbonique avec Marc Dubernet en 1975, on a obtenu des tanins plus fondus, des arômes plus expressifs. A partir de là, on a développé, étendu à tous les cépages. La réputation de la Voulte-Gasparets s’est faite sur ce type de vin. Pour la cuvée Romain Pauc, on a gagné en concentration en sélectionnant les plus vieilles vignes de carignan et de grenache. On vendange 65 hectares à la main ! »

Egrapper ou pas

Favorisant la gourmandise des vins, la macération carbonique a gardé la faveur d’une majorité de vinificateurs. Le cas de Ghislain Calvel semble cependant assez représentatif des questionnements en cours. Très fervent partisan de la macération carbonique pour le carignan et la syrah qu’il n’hésite pas à laisser macérer plus de vingt jours - « En macération carbonique, la syrah est une bombe atomique ! « - ce vigneron de Saint-André-de-Roquelongue a néanmoins acquis un égrappoir.
« Après essais, il n’y a que le grenache qu’on égrappe, confie-t-il. Et le mourvèdre : depuis deux ans qu’on l’égrappe, on a de super résultats, c’est plus fin ».
Depuis quelques années, les lignes bougent, les entorses à la doxa se multiplient.

Ce que certains mettent sur le compte d’une recherche de structure et de tension dans les vins dans un contexte de réchauffement climatique mais aussi de soins accordés au vignoble. « La “carbo” est née pour valoriser les carignans pas bien mûrs, à 11-12° ; aujourd’hui on atteint 14-15° et ce mode de vinification a moins d’intérêt avec des raisins très mûrs » analyse Jean-Marc Reulet, au domaine Hauterive-le-Haut.
« Le carignan sort très bien en “carbo” ; dans les grands millésimes il domine tous les autres, estime Pierre Bories au château Les Ollieux-Romanis. Mais il a un défaut, le manque de structure. C’est le défi actuel : extraire pour gagner en structure, mais en évitant la lourdeur ou de l’opulence des années 2000. Avec la macération carbonique sur tous les cépages, on a une opulence dominante, sans structure tannique pour tendre les vins ».

Une quête de structure

Pour résoudre cette délicate équation, certains ont apporté quelques aménagements à la macération carbonique. Prenant le risque de prolonger la durée de macération au-delà des douze jours canoniques, ou bien en baissant la température de fermentation sous les 30°, ou bien encore en procédant à des remontages en fin de macération. « Ce qui est casse-gueule à moins d’avoir des rafles très aoûtées, ce qui arrive un millésime sur trois, note Pierre Bories. Sinon, ça donne du vert, de l’astringence et de l’amertume, un problème même si certains sommeliers et journalistes apprécient un peu d’amertume en finale aujourd’hui ».
Cédric Bruel, directeur des Celliers d’Orfée, après avoir coulé la cuve, innove en laissant le chapeau de marc s’écraser sur lui-même dans la cuve pendant une nuit.
« On décuve le lendemain, on récupère le jus de coule, qu’on appelle le “paradis”, dont la fermentation va se terminer en fûts. Et on presse le reste, qui pourra être assemblé plus tard avec le vin issu du jus de coule de la veille ; on gagne en concentration ».
Souvent, l’égrappage apparaît comme la solution. Parfois, le carignan en macération carbonique est assemblé avec d’autres cépages vinifiés en égrappé, de manière à pouvoir piger, prolonger les macérations et extraire ainsi les tanins en douceur. « Il y a quinze ans, toute la syrah était vinifiée en carbonique, témoigne ainsi Richard Planas, directeur des domaines Gérard Bertrand. On a désormais tendance à en égrapper une part croissante ».
Certains poussent plus loin le bouchon. Au château de Luc, Louis Fabre semble ainsi avoir rebattu les cartes de son “jeu” : « On a pas mal de mourvèdre dans nos deux cuvées de Boutenac et on l’égrappe systématiquement. Depuis deux ans, je vinifie la syrah en grains entiers. Le carignan est vinifié à peu près pour moitié en macération carbonique, pour moitié égrappé ; au départ les vins en macération carbonique sont plus intenses aromatiquement, mais après élevage je ne fais plus de différence. Il m’arrive aussi de vinifier traditionnellement certains carignans bien mûrs, à la rafle aoûtée, non égrappés.»
« J’ai fait des essais avec un carignan sur sols de grès : la “carbo” donne un vin plus aromatique, mais on préfère l’égrappé, très fin, plus équilibré, confie Jean-Marc Reulet. Je vais faire le test sur les galets ».

Besoin de tension


D’autres vignerons ont carrément généralisé l’égrappage. C’est le cas d’Eric Virion et Delphine Maymil au château Maylandie. « Tout est égrappé et foulé. On vinifie sans sulfite, avec des levures non saccharomyces qui occupent le milieu, ça apporte rondeur et complexité aromatique ; la micro-oxygénation, menée avec tact, permet d’adoucir les tanins ».
« Mon père a été l’un des premiers à acheter un égrappoir sur les conseils de l’œnologue Robert Déjean, explique de son côté Frédéric Bousquet au château Grand Moulin. Pour nos deux cuvées de Boutenac, on joue avec les cépages tardifs, qui amènent de la fraîcheur ; on attend les mourvèdres pour cueillir les carignans, on égrappe tout, on les assemble à la cuve, on pige quotidiennement pendant trois semaines, c’est la méthode la plus douce pour extraire. On ne veut pas d’extraction extrême ; l’important, c’est l’harmonie, l’équilibre ».

« A Boutenac, on a des vins très gourmands, concentrés, aux tanins fins et soyeux, c’est un terroir avec une vraie maturité, commentent en chœur les œnologues du laboratoire Déjean. Tous les marchés ont besoin de tension et de fraîcheur. Le carignan apporte beaucoup d’acidité, de nervosité, surtout si on ne pousse pas trop loin les maturités. En vinification traditionnelle, on gère mieux l’extraction qu’en macération carbonique : on pige, on extrait doucement dans des cuves plus petites, trois semaines à un mois en moyenne, entre 25 et 28°, et parfois on chauffe en fin de fermentation pour arrondir. Ça révèle la sucrosité du grenache et ça détend les carignans. On garde la puissance et la concentration mais de manière moins caricaturale ».

Questions de style

« La chance qu’on a sur ce terroir, c’est qu’on a pu essayer des tas de schémas » se réjouit Pierre Bories. Au domaine de la Bouysse, Martine Pagès n’hésite pas à prendre des risques avec ses carignans en macération carbonique, très largement dominants dans sa cuvée Mazerac, laissant parfois cuver jusqu’à trois semaines. « On a fait un essai de syrah en “carbo” et on a été bluffé par la finesse, mais c’était sur le terroir de Fontfroide, plus froid ». Au moment de créer L’Indécent, une cuvée haut de gamme, la vigneronne a opté pour un assemblage de carignan, grenache et mourvèdre à parts égales, cueillis à la main, égrappés et vinifiés en cuve ouverte avec pigeage journalier pendant un mois. « Il y a une matière impressionnante, une puissance et un soyeux que l’on n’a pas en macération carbonique, mais du fait de la présence du grenache et du mourvèdre la comparaison est un peu faussée ».

Et si, au final, tout était une question de style ? Au château de Caraguilhes, Etienne Besancenot et Emmanuelle Tant ont ainsi conçu, avec la complicité de Matthieu Dubernet, des itinéraires techniques qui singularisent fortement leurs trois cuvées de Boutenac. Les deux-tiers de Solus sont vinifiés en macération carbonique, y compris une partie de la syrah. « Dans le cas de la syrah, la différence est très marquée, souligne Etienne Besancenot. En égrappé, on est sur le fruits noirs, il y a une profondeur, un côté fumé ; en macération carbonique, c’est plus gras, plus ample, il y a plus de séduction et des arômes un peu végétaux. C’est plus évident, un peu fatigant, mais c’est un élément de l’assemblage ».

Dans un registre bien distinct, le Trou de l’Ermite fait la part belle à l’égrappage :
« Le grenache donne du volume en attaque, de la puissance. Tout comme la syrah en macération. Les carignans et la syrah égrappés sont là pour tendre l’équilibre vers plus de fraîcheur et de longueur ». Reste L’Echappée belle : « Par cet assemblage de mourvèdre et de carignan dès la cuve, nous recherchons à faire un vin de garde. Les tanins un peu plus vifs sont la véritable colonne vertébrale du vin. Ce vin qui ne voit pas le bois, on l’élève deux ans en bouteille avant de la commercialiser ; on y cherche la pure expression du millésime ».

Toutes les variations auxquelles se livrent les vinificateurs offrent ainsi une remarquable palette de cuvées qui mettent en valeur à la fois la sensibilité des interprètes et les subtiles nuances de ce terroir complexe. Les aléas climatiques de chaque millésime, aux effets variables selon les cépages, influent également sur les choix techniques. L’exploration ne fait que commencer.

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